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‎La semaine politique : Plonger dans la contestation pour incarner la raison sur Apple Podcasts
‎Afficher La semaine politique, ép Plonger dans la contestation pour incarner la raison - 1 mai 2023

Alors que cette séquence réforme des retraites commence à s’essouffler, le Président de la République a repris ses déplacements, avec l’ambition de renouer le lien avec le pays. Une stratégie risquée : celle d’être confrontée au mécontentement des français, mais qui semble porter ses fruits bien plus rapidement que prévu.

Emmanuel Macron reprend les déplacements

Le Président de la République était isolé. Pendant toutes les semaines qui ont constitué le débat sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron avait pris soin de s’isoler.

Pas de déplacement sur le terrain, quelques rares visites et commémorations, pour la plupart immanquables. Mais l’agenda présidentiel était surtout international : en Espagne, en Chine, aux Pays-Bas, à Bruxelles, … bref, lorsqu’Emmanuel Macron n’était pas confiné à l’Elysée, il était très loin de la France, à l’étranger.

C’est Elisabeth BORNE et ses ministres qui ont eu à gérer cette séquence de plein fouet, sous les ordres présidentiels.

Le texte approuvé par le Conseil Constitutionnel, et promulgué, le Président de la République a refait surface, appelant au calme, à l’apaisement et annonçant 100 jours de travail au service du pays, avec un premier bilan fixé au 14 juillet.

Mais après ces mois d’absence, Emmanuel MACRON devait marquer la rupture. Comment annoncer 100 jours, telle une mission commando sans marquer le coup ?

En fait, la démarche présidentielle a pris une forme simple : celle du retour de déplacements sur le terrain. En l’espace de deux semaines, le Président de la République les a enchainés : Alsace, Hérault, Jura, Loir-et-Cher, les équipes d’Emmanuel MACRON voulaient marquer le coup et montrer le Président de la République de retour sur le terrain, pour écouter les français et faire des annonces.

A Ganges, dans l’Hérault, il a annoncé la revalorisation des salaires des enseignants, ainsi que de nouvelles mesures pour l’école : remplacement des profs absents, heures supplémentaires mieux payées, …

Pour l’écologie, il a fait l’annonce d’un grand plan de rénovation des écoles qui doit permettre de transformer les bâtiments publics afin de les rendre plus sobres énergétiquement.

Sur la santé aussi, des annonces pratiques. Les personnes handicapées, verront leur fauteuil roulant remboursé dès 2024. Le prix d’une consultation chez le médecin augmente, pour mieux rémunérer les soignants, et l’Etat va mettre en place un système afin de pénaliser les patients qui ne se présentent pas aux rendez-vous, pour tenter de désengorger une fois de plus les services de santé.

Bref, Emmanuel MACRON, critiqué pour être resté vague lors de son interview, profite de ces déplacements thématiques pour y faire des annonces précises, concrètes, à destination des publics qu’il rencontre.

Mais la tendance de fond n’est pas focalisée sur les annonces

Le chef de l’Etat avait été très amplement très critiqué : pas d’annonce, pas de mesure concrète lors de ces dernières interventions. Mais aujourd’hui, la tendance s’est inversée : des mesures sont annoncées à quasiment chaque déplacement.

Mais la stratégie de l’Elysée ne réside pas dans ces annonces. Les équipes du Président de la République misent sur sa rencontre avec les français.

Depuis deux semaines donc, Emmanuel MACRON ne cesse de s’y confronter d’abord. En marge de ses déplacements, il doit faire face à une opposition virulente. Partout, dans chaque ville, chaque village que le Président de la République arpente, des manifestants, des citoyens, viennent protester contre la réforme des retraites … et contre lui-même. Que ce soit à coup de casseroles, d’insultes, de huées, le Président de la République est confronté sur chaque visite, au même scénario. En Alsace, sa première tentative de bin de foule, a viré au pugilat. Les insultes ont fusé.

En parallèle, certains de ses déplacements ont été marqués par des actions plus violentes, comme ceux de ses ministres. En déplacement en Alsace, l’électricité de l’usine qu’il visitait à été coupée, pareil pour un centre de santé, … Souvent, les manifestants ont dû être contenus loin de la visite présidentielle, et, fait inhabituel, le Président de la République a dû s’approcher des lieux qu’il visitait en hélicoptère militaire afin d’éviter tout imprévu qui mettrait en danger sa sécurité sur la route.

Dans un premier temps, les commentaires ont fait état d’un difficile retour sur le terrain. Parce que les réactions étaient virulentes, parce que les mots agressifs et les scènes inhabituelles.

Mais finalement, ces réactions, l’expression de ce ressentiment ne sont que du positif pour le Gouvernement.

En effet, l’exécutif se trouve gagnant, car les équipes du Président de la République ont su séquencer ces déplacements.

Chaque visite s’est déroulée sur le même schéma.

D’abord, un déplacement annoncé tardivement dans une commune pour y parler d’un sujet précis. C’est notamment ce qui s’est passé à Ganges, dans l’Hérault, où le Président de la République visitait un établissement scolaire pour y faire des annonces sur la rémunération des enseignants. Il était attendu. Il a donc été accueilli sous un concert de casseroles, de sifflets et de huées. Emmanuel MACRON a joué le jeu, donnant l’illusion de se confronter, et constatant, sous l’oeil des caméras, l’impossibilité du dialogue.

Là est la stratégie du Gouvernement. Montrer un Président volontaire, ouvert à l’échange mais confronté à de petits groupes de manifestants fermés, hostiles à la conversation, tapant sur des casseroles. L’ouverture d’un côté … l’obstination de l’autre.

Pour appuyer cette stratégie, les équipes du Président de la République réservent désormais à chaque déplacement son étape surprise. Généralement, il s’agit d’un village, dont le nom n’a pas été révélé, dans lequel Emmanuel MACRON se rend par surprise, à la rencontre des habitants. Dans l’Hérault, le Président était à Perols, où les images, l’ont montré déambulant tranquillement dans les rues, et échangeant avec de nombreux français, même en désaccord avec lui.

La stratégie est donc simple et rodée. Montrer que ceux qui râlent sont des professionnels de la contestation et du mécontentement, mais que les français les plus simples, bien qu’en désaccord sont prêts à échanger avec le Président de la République.

La semaine dernière, Emmanuel MACRON recevait même à l’Elysée 11 français, lecteurs du Parisien, afin de répondre très directement à leurs questions. L’objectif ? Montrer un Président à l’écoute, capable d’engager un dialogue respectueux avec les Français, et soucieux de construire l’après, ces 100 jours, autour de sujets du quotidien, autour de sujets qui préoccupent les français.

Résultat cette stratégie s’est diffusée. Le mot est passé au sein du Gouvernement, aux ministres à qui il a été donné pour consigne de retourner sur le terrain. Pour Gabriel ATTAL, les manifestants ne sont que des professionnels de la contestation et en rien des français lambda. En déplacement dans l’Hérault, il a prononcé ces mots.

Une fois de plus, le Gouvernement choisit la même porte de sortie du conflit. C’est d’ailleurs une stratégie répétée. Continuer à exciter le mouvement pour le radicaliser, afin de progressivement apparaitre comme le camp de la raison. L’injure, la violence, l’irrespect n’auront jamais leur place parmi l’exécutif, ouvert lui à la discussion. Montrer que l’injure  n’est le comportement que de quelques marginaux, face à un Gouvernement prêt au dialogue.

Pour Emmanuel MACRON donc, ce retour sur le terrain, qui s’annonçait comme un défi de taille, un moment révélateur de la défiance du pays à son encontre, un pari perdu d’avance est finalement habilement récupéré. Il tente de marginaliser une colère qui se radicalise et se met en scène au contact des français, ouvert à la discussion. La confrontation comme stratégie d’apaisement : la marginalisation des manifestants comme transmetteur du totem de raison dans le camp du Président.