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‎La semaine politique : Le Gouvernement cherche un partenaire particulier sur l’immigration sur Apple Podcasts
‎Afficher La semaine politique, ép Le Gouvernement cherche un partenaire particulier sur l’immigration - 30 mai 2023

Le Gouvernement était pourtant fâché avec la droite après que le parti l’ai lâché au coeur de la réforme des retraites. Mais Renaissance semble désormais faire de l’oeil aux Républicains, notamment parce que la majorité aura une nouvelle fois besoin du soutien d’une partie de la droite pour faire voter son projet de loi immigration, prévu pour l’été.

La fin d’une période de froid entre la majorité et la droite ?

Cela faisait un moment que la majorité et la droite ne s’était pas parlés. Il faut dire que depuis quelques semaines, le Gouvernement voit la droite d’un mauvais oeil. En outre, les Républicains sont désignés comme les responsables du grand bazar relatif à l’adoption de la réforme des retraites.

Le Gouvernement estime toujours avoir donné suffisamment de gages à la droite en début d’année pour qu’elle vote son texte. L’absence de majorité pour le voter a donc toujours du mal à passer. De même que le vote de près d’une vingtaine de députés LR en faveur de la motion de censure a été perçu comme une trahison par la majorité.

Bref, la majorité et le Gouvernement ne comptaient pas reparler de si tôt à la droite, mais la configuration parlementaire l’impose dans cette situation de majorité relative : il faut reparler aux Républicains pour faire adopter un nouveau projet de loi très controversé : le texte de loi immigration.

Depuis les débats relatifs à la réforme des retraites, les négociations étaient au point mort. Elisabeth BORNE avait même annoncé repousser l’examen de ce texte, faute de majorité à l’Assemblée. Mais le Président de la République et le Ministre de l’Intérieur lui ont forcé la main, obligeant la Première Ministre à inscrire le texte à l’ordre du jour avant les vacances parlementaires estivales.

Observant à distance cette agitation, c’est finalement la droite qui a emboité le pas, à la surprise du Gouvernement. La semaine dernière, les 2 be 3 de la droite, Eric CIOTTI, président des Républicains, Olivier MARLEIX, président du Groupe LR à l’Assemblée, et Bruno RETAILLEAU, président du Groupe LR au Sénat, faisaient la une du JDD pour présenter leur projet de loi immigration.

Surprise, LR a donc tenté de prendre le lead sur la situation, interpellant directement Emmanuel MACRON au travers de la une “Chiche Monsieur le Président!”

Dans les grandes lignes, Les Républicains se positionnent pour une fois avec un vrai projet en la matière. En résumé, la droite souhaite modifier la Constitution pour pouvoir déroger aux accords internationaux mais surtout aux règles migratoires européennes. Les ténors de la droite en sont persuadés : l’Europe et ses exigences migratoires sont en grande partie responsables de la situation actuelle française.

Ils souhaitent aussi renforcer la position de la France vis à vis des pays qui ne respectent pas les accords passés en matière d’immigration. La droite plaide notamment pour une suspension de la délivrance des visas ainsi que la mise en pause des aides au développement accordées au pays en question jusqu’à ce que la situation se soit améliorée.

Bref, la droite pose les jalons d’une proposition de loi immigration dure. Un projet qu’elle souhaite mettre en oeuvre depuis des années. Les Républicains voient dans le projet de loi de Gérald DARMANIN l’opportunité de satisfaire une partie de leur exigences, en échange de leur soutien au Gouvernement.

Mais les Républicains se sont montrés plus offensifs que d’habitude, soulignant que si leurs revendications n’étaient pas satisfaites, ou qu’ils jugent que le projet de loi du Gouvernement est trop laxiste, alors ils déposeront eux-mêmes une motion de censure, une initiative politique qu’ils avaient jusqu’alors laissée aux extrêmes.

L’objectif des Républicains est clair : reprendre du poil de la bête et mettre le Gouvernement sous pression pour satisfaire les exigences d’une droite dure.

C’est, surpris par cette manoeuvre de LR que le Gouvernement a répondu le weekend dernier via la voix de Gérald DARMANIN.

Dans les grandes lignes, le Ministre de l’Intérieur, répond lui aussi chiche à la droite, comme pour accepter la proposition de travail commun sur ce texte.

Mais le ministre de l’Intérieur précise ses propos dans l’interview. Le projet de la droite, qui sera déposé au Sénat dans les prochains jours, est un bon début. Mais certaines des propositions des Républicains sont trop extrêmes pour être acceptées par la majorité. La proposition de réforme constitutionnelle par exemple, est une “ligne rouge” pour le Ministre de l’Intérieur, qui précise que la France ne sortira pas des traités européens, et ne reviendra pas sur de tels accords internationaux. Cela placerait le pays dans une situation juridique complexe, et reviendrait, somme toute, à proposer une sorte de Frexit.

Globalement, Gérald DARMANIN ne ferme pas la porte à beaucoup de propositions de la droite, mais l’idée d’une révision de la Constitution, extrêmement complexe et chronophage ne passe pas.

https://twitter.com/BFMTV/status/1661377570590294025?s=20

En outre, le Gouvernement souhaite aussi s’investir sur d’autres sujets comme la régularisation des sans-papiers dans les secteurs en tension. Le Ministère de l’Intérieur et le Ministère du Travail y voient notamment une réponse pratique aux secteurs économiques en tension, et une sécurisation des travailleurs étrangers, souvent employés dans des situations précaires.

En outre, le Gouvernement est déterminé à travailler avec les Républicains mais cherche à s’assurer que cette fois-ci, la droite soit constructive. Les souvenirs de la négociation de la réforme des retraites sont encore vifs. La Première Ministre, Elisabeth BORNE, a encore en mémoire les grands discours des députés LR, qui se sont finalement traduits en trahison d’un accord politique.

Interrogée sur Radio J, la Première Ministre a prévenu les Républicains : aucune sortie des règles européennes ne sera possible, de même que les postures devront être mises de côté pour commencer une vraie négociation.

https://twitter.com/frhaz/status/1662678994687279105?s=20

Une négociation complexe avec LR … et avec une partie de la majorité”

La négociation s’annonce donc complexe avec la droite, d’autant plus que les Républicains le savent, ils sont comme pour la réforme des retraites, des faiseurs de roi. Sans leur soutien, le Gouvernement ne pourra pas faire voter ce projet de loi immigration.

De plus, la première Ministre s’étant engagée à ne plus utiliser le 49-3 hors textes financiers, le Gouvernement est contraint d’aller au vote.

Mais outre les négociations avec les Républicains c’est avec sa propre majorité que le Gouvernement va devoir négocier, car une partie du camp présidentiel, venant de la gauche, va avoir du mal à accepter ces mesures, très à droite.

Le Président de la Commission des Lois, Sacha HOULIE, a déjà affiché ses réticences. Le Ministre de la Santé des Solidarités, François BRAUN, a anticipé le débat et a prévenu que l’Aide Médicale d’Etat, souvent ciblée par la droite, serait non-négociable. Eric CIOTTI souhaite quant à lui la transformer en aide médicale d’urgence. Pour le Ministre de la Santé, il s’agit donc tant à la fois d’une preuve d’humanité fidèle aux valeurs de la France que d’une question de santé publique.

Les Républicains le savent, voire le cherchent, ce projet de loi, va mettre de l’eau dans le gaz de la majorité.

https://twitter.com/franceinter/status/1663424987611398144?s=20

Un sujet très risqué, compatible avec les 100 jours d’apaisement promis aux français ?

Alors voilà, cette réforme de la politique migratoire française s’annonce comme un véritable casse-tête politique. Car on le sait, en France, l’immigration est un sujet ultra-sensible.

La prononciation de ce seul mot suffit à crisper les esprits et à tendre les débats. Le sujet est le fond de commerce des extrêmes et la thématique préférée des amalgames, bref : l’immigration annonce de nombreux couacs et polémiques.

Dans cette perspective, on comprend mal la volonté du Gouvernement de vouloir imposer maintenant ce projet. Quid de sa compatibilité avec les 100 jours d’apaisement voulus par le Président de la République ?

Aussi, alors que les prix considérablement gonflés par l’inflation sont au plus haut, et que la sécheresse estivale s’apprête à déferler sur le pays, était-ce vraiment le bon moment pour s’engager sur ce terrain ?

Le Gouvernement joue gros : une nouvelle fois, il teste sa capacité à travailler avec la droite sur un sujet qui devrait faire consensus parmi ses rangs. Le risque pour le Gouvernement est le même que celui pour la réforme des retraites : se reposer sur un partenaire peu fiable qui a déjà faut et accepter ses exigences très dures, au détriment de l’aile gauche de sa majorité, déjà très fragilisée par la réforme des retraites.

Les arbitrages du Gouvernement, attendus dans quelques semaines, au terme des négociations transpartisanes, permettront d’y voir plus clair.