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‎La semaine politique : Pourquoi le RN est le grand gagnant de cette séquence sur Apple Podcasts
‎Afficher La semaine politique, ép Pourquoi le RN est le grand gagnant de cette séquence - 19 févr. 2023

C’est un résultat plutôt inattendu. Mais ça y est, alors que l’examen du projet de loi de réforme des retraites est terminé à l’Assemblée nationale, l’heure est un peu au premier bilan de cette séquence plus que mouvementée.

Alors que le temps contraint de l’examen et les milliers d’amendements déposés n’ont pas permis de parvenir à la fin du texte, c’est un parti plutôt discret ces derniers temps qui semble sortir grand gagnant de cette séquence : le Rassemblement National.

C’est le parti qu’on la moins entendu sur ce sujet, et pourtant, le Rassemblement National, parti de Marine LE PEN, semble celui qui sort le plus grandi de cette véritable épreuve qu’on constitué ces quelques jours d’examen du texte de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale.

Alors que le texte est désormais entre les mains du Sénat, où il sera là aussi examiné en temps limité, le Rassemblement national va désormais engager la promotion médiatique de son attitude exemplaire à l’Assemblée.

A l’origine, l’attitude de gendre idéal du RN n’est pas volontaire, c’est surtout le contexte des débats qui a contribué à la créer

Les deux premiers épisodes de la semaine politique y étaient consacrés, mais les débats concernant la réforme des retraites ont été particulièrement mouvementés sur les bancs de l’Assemblée.

Au départ de l’examen du texte, le parti de Marine LE PEN n’a aucune intention d’exister dans cette séquence. Il sait ô combien le sujet est brulant. D’une part, vis-à-vis de ses électeurs, et l’idée d’un parti populiste qui connait parfaitement les attentes des français, impossible de voter une réforme qui les contraindrait à travailler 5 ans de plus. Mais dans la perspective de 2027, et l’objectif ultime de normalisation du parti, voter un texte ayant pour objectif de stabiliser un système en danger aurait fait bonne impression. Tout laisse donc penser qu’au départ, Marine LE PEN et ses députés comptaient bien se faire oublier pour ne pas se positionner.

Mais c’était sans compter sur l’opposition particulièrement bruyante entre la majorité présidentielle et la NUPES de ces derniers jours, qui a complètement changé la donne pour l’extrême droite.

Depuis 10 jours, chaque nouvelle journée de débats donne lieu à un nouveau scandale : Olivier DUSSOPT accusé de favoritisme, Thomas PORTES jouant avec la tête du Ministre collée sur un ballon, mannequin d’Elisabeth BORNE pendue en manifestation, repas à 1euro dans les CROUS, insultes d’assassin, d’imposteur, membre du Gouvernement jouant aux mots croisés, … bref, les débats ont été pollués par l’attitude des députés de la gauche et de la majorité, qui ont enchainé création de scandales et alimentation de ces derniers en formulant des réponses toujours plus vives, donnant lieu à des sessions très très agitées.

Face à cela, le Rassemblement National s’est lui aussi indigné. Il a bien-sûr, lui aussi poussé quelques coup de gueule, mais ce qui ressort de cette semaine, c’est que c’est surtout lui qui est apparu comme le plus posé, donnant presque l’impression d’être finalement le plus responsable de tous les groupes, et ce, non pas par son attitude, mais grâce à celle, déplorable, des autres.

A l’obstruction parlementaire de la NUPES, qui a déposé sur ce texte plus de 20 000 amendements, si l’on comprend tous les groupes de gauche, portant parfois comme proposition le changement de termes de l’index sénior par celui de “feuille de salade”, le groupe RN n’a déposé qu’un peu moins de 300 amendements.

Alors que les députés de la majorité quittaient l’hémicycle pour protester contre l’attitude de leurs adversaires , les députés RN restaient en séance, comme pour veiller aux débats concernant la retraite des français et le faisaient savoir sur les réseaux.

Lorsqu’un député insoumis insulte “d’assassin” le Ministre du Travail, Olivier DUSSOPT,  et que l’Assemblée toute entière condamne ses propos, le RN prend lui aussi la défense du Gouvernement, et appelle avant tout au calme, à la pacification des débats, à la bonne tenue de tous. Dans une intervention en séance, Marine LE PEN a compris que se jouait à ce moment précis la bascule du rôle de son groupe dans la réforme et a pris les devants, indiquant avoir à coeur que chacun soit considéré à sa juste valeur, comme adversaire politique, et non comme ennemi.

Pour le Rassemblement National, cette séquence est aussi l’occasion de s’institutionnaliser, ou de se normaliser pourrait-on dire.

Aussi, cette semaine aura mis en lumière un autre personnage important du dispositif RN : Sébastien CHENU. Elu vice-Président de l’Assemblée nationale en juin dernier, il a, comme chaque vice-président, présidé une partie des débats relatifs à l’examen de ce projet de réforme des retraites, et ce, dans une attitude des plus professionnelles.

Le Rassemblement National le sait, les électeurs reprochent au parti son impréparation au fonctionnement institutionnel, et sa capacité à participer à une vie démocratique normale. Dans ces moments clés de la vie démocratique, apparaitre exemplaire constitue ainsi pour ses ténors un enjeu essentiel. Cette semaine, Sébastien CHENU a prouvé qu’il en avait toutes les compétences, ajoutant ainsi une flèche supplémentaire à l’arc de compétences du parti.

Son attitude est ultra bénéfique pour le parti, et confirme durablement sa capacité à s’institutionnaliser sur le long terme.

Le RN joue la corde populiste jusqu’au bout, se posant en défenseur de la voix du peuple plus que de revendications claires

Le parti n’affirmera pas de position claire dans ces débats, mais fidèle à ses habitudes populistes qui ont constitué la plupart de ses grands succès électoraux, il compte se faire le porte-voix des français dans les débats qui concernent ce projet de réforme.

En apportant son soutien aux manifestations

Généralement réticent à s’exprimer en soutien des manifestation et mouvements sociaux dans le pays, notamment à cause de leur proximité avec la gauche, le parti s’est montré très enthousiaste à l’idée de la répétition de ces évènements. Interrogée jeudi sur son opinion concernant les manifestations en cours sur le territoire, Marine LE PEN s’est employée à prononcer des mots très précis, soutenant avant tout l’expression de la voix du peuple au travers de ces évènements. Pour la présidente du groupe RN à l’Assemblée, l’enjeu, par ce soutien, est de détacher les manifestations des partis de gauche et d’en faire une contestation gouvernementale généralisée, davantage qu’un mouvement de gauche.

Ou par le dépôt de sa motion de censure

C’est pour cela que la motion de censure, déposée cette semaine par le Rassemblement National trouve tout son sens. Puisque la contestation est vive, puisque le peuple réclame l’annulation de ce projet de réforme, et que le cadre institutionnel ne permettra pas d’aller jusqu’au bout de l’examen du texte, alors, il faut renverser le Gouvernement pour dire non au projet. Marine LE PEN cherche à montrer aux français, qu’aux blocages de la NUPES, qui ne produisent finalement que du spectacle, que le RN ambitionne lui d’user de méthodes plus radicales, conduisant à des changements plus durables : de nouvelles élections législatives, qu’un statut quo proposé par la gauche. Elle se place en défenseur des intérêts des français, et assume être prête à prendre son risque.

La motion de censure, ultime piège du RN, se referme sur la majorité et la NUPES

En restant en embuscade, et en prenant de court le Gouvernement et la NUPES avec le dépôt de cette motion de censure, le Rassemblement National a tendu un double piège à ses adversaires.

Pour le Gouvernement, la pression s’accentue. Même si la motion de censure a très peu de chances d’être votée, puisque la NUPES, et en particulier LFI, s’est dite réticente à voter une motion de censure portée par le RN par le passé, ça commence à faire beaucoup. Mis en échec sur l’article 2, nombre d’amendements considérable, manifestations qui perdurent, aux yeux de l’opinion publique, le Gouvernement est sous pression, menacé de toute part : dans la rue, à l’Assemblée et par ses partenaires avec qui des accords avaient été passés.

Pour la NUPES, c’est un peu l’ultime traquenard. Après s’être positionné comme la principale force d’opposition au projet de loi du Gouvernement depuis 2 semaines, ne pas voter la motion de censure reviendrait à considérablement affaiblir cette image d’opposant n°1 au Gouvernement qu’elle venait pourtant de ravir. Le RN, conscient que la gauche ne votera pas sa motion, a déjà un argumentaire tout prêt, qu’il diffusera auprès des français. En ne votant pas cette motion de censure, et donc en ne voulant pas renverser le Gouvernement, la gauche est accusée d’incarner une opposition en carton, présente pour faire le buzz, mais finalement contente de maintenir le Gouvernement, car elle semble devoir son existence à la contestation de son action.

Pour le RN, tout l’enjeu sera de justifier que son travail vise quant à lui seul, à protéger les français avant ses sièges à l’Assemblée. Interrogée sur ce sujet cette semaine, Marine LE PEN a provoqué la gauche, l’invitant à bras ouverts à voter sa motion, pour la France et les français.

Cette semaine s’achève donc à nouveau avec un triste bilan. Les débats conduits à l’Assemblée nationale, n’ont comme prévu, par permis d’engager une discussion sérieuse sur le fond du texte. Si les altercations, scandales et suspensions de séance ont continué de primer, l’attitude déplorable de plusieurs groupes parlementaires a fini par mettre en scène un danger : celui de la normalisation de l’extrême droite, qui se réjouit de l’envenimement progressif des débats pour continuer discrètement à se normaliser.