A l’approche du premier tour de ce dimanche, le climat politique s’est tendu et l’issue de ce scrutin est plus incertaine que jamais.

Jean-Luc Mélenchon réussit à se faire passer pour le vote utile à gauche

Plus incertain, parce que les dynamiques sont chamboulées.

Cette semaine, la campagne du candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a pris des proportions hors-normes. Depuis son grand rassemblement de Paris, Place de la République, l’insoumis bénéficiait d’une bonne dynamique, le portant au-dessus de 12% d’intentions de vote dans les sondages. Mais ces dernières semaines, et cette semaine en particulier, lui ont permis de prétendre à de bien meilleurs scores. Entre 17 et 18% dans la plupart des sondages en cette fin de semaine.

Il faut dire que la dernière semaine de campagne de Jean-Luc Mélenchon a été active. Mardi, le candidat de l’Union Populaire donnait un meeting à Lille, retransmis dans de multiples salles partout en France grâce aux hologrammes désormais célèbres du candidat. Alors le dispositif, en plus de faire toujours son effet, a permis de rassembler de très nombreux militants aux quatre coins du pays, et démontrer ainsi une belle mobilisation en sa faveur.

Toute la semaine, les équipes de La France Insoumise se sont d’ailleurs démenées pour faire passer cette mobilisation comme la traduction de l’évidence du vote utile. Et c’est plutôt réussi : en cette fin de semaine, Jean-Luc Mélenchon semble incarner en France l’idée du vote utile de gauche.

Exit donc la candidature socialiste d’Anne Hidalgo, de toute façon promise à la défaite, avec ses 2% d’intentions de vote. Exit aussi la candidature de Yannick Jadot qui ne parvient pas à exister en cette fin de campagne alors que tous les éléments sont pourtant là pour une candidature écologiste forte. Le rapport du GIEC, mais surtout le débat sur la dépendance énergétique russe de l’Europe aurait dû être l’occasion pour le candidat vert d’imposer ses thèmes dans la campagne. Mais Yannick Jadot n’a pas réussi à exister sur ces thématiques, apparaissant même absent ces derniers jours.

Fabien Roussel, qui avait pourtant fait une belle campagne et su relancer une dynamique, certes modeste, mais surprenante pour le parti communiste, termine cette campagne en implorant ses électeurs de rester parmi ses rangs. Le PCF craint, comme le PS, que ses électeurs, avant tout animés par l’idée de porter la gauche au pouvoir, se déportent sur Jean-Luc Mélenchon. Ian Brossat, le directeur de campagne de Fabien Roussel, s’émouvait sur Europe 1 que cette idée de vote utile pour l’insoumis fasse son bout de chemin.

Ce qui est certain que cette semaine, sa candidature a fait l’objet de nombreux appels au vote. Dans la dernière ligne droite, Christiane Taubira, candidate malheureuse de la primaire populaire, à même appelé à voter Mélenchon. Toute la semaine ce sont d’autres personnalités de gauche qui ont appelé à voter pour l’insoumis : chercheurs, universitaires, quelques artistes, activistes, streamers, les langues se sont déliées, en particulier sur les réseaux sociaux accentuant cet effet de bulle.

En une semaine, Jean-Luc Mélenchon a réussi un exploit : celui de rassembler l’approbation des soutiens habituels de la gauche socialiste, qui se sont justifiés “faute de mieux” de voter pour l’insoumis, en soutien aux valeurs de gauche, fermant les yeux au passage sur toutes les dérives passées et les ambiguïtés du programme Mélenchoniste qu’ils avaient juSqu’alors pointées du doigt.

Maintenant la question est simple : à quoi va mener tout ça ? Car cette dynamique en faveur de Jean-Luc Mélenchon est difficile à quantifier. S’agit-il d’une bulle politique, médiatique, artistique ? Ou le candidat bénéficie-t-il d’un vrai soutien populaire supplémentaire ? A l’issue de ce scrutin dimanche, Jean-Luc Mélenchon sera-t-il le 2e ou le 3e homme ? Le tout dernier rolling le donne à 17%, pas assez donc pour se qualifier au second tour. Mais le candidat avait fait, sans autant de soutiens, 19.5% au premier tour en 2017. Les sondages ont-ils sous-estimé sa dynamique ? Réponse, ce dimanche soir.

Marine Le Pen termine une campagne au plus haut

Les extrêmes ont le vent en poupe. Car Jean-Luc Mélenchon n’est pas le seul en cette fin de campagne, à bénéficier d’une dynamique positive. A la veille du premier tour, Marine Le Pen termine cette campagne au plus haut.

Toute la semaine, les bons chiffres se sont accumulés pour la candidate, qui a gagné plus deux points d’intentions de vote en 5 jours. Vendredi soir, Marine Le Pen était donnée à 24%, son meilleur score depuis le début de la campagne. Toute la semaine donc, la candidate a réduit l’écart qui la sépare d’Emmanuel Macron, le portant seulement à 2.5 points d’écart.

En parallèle de ces bons chiffres pour le premier tour, Marine Le Pen est désormais donnée à 49% d’intentions de vote dans certains sondages en cas d’accession au second tour, rendant désormais la candidate en passe d’accéder au Palais de l’Elysée. Et évidemment, cette perspective a boosté sa campagne cette semaine, qui a croit désormais très fort.

Toute la semaine, Marine Le Pen a donc tenté de maintenir cette tendance. Multiplication des passages médias mais surtout, un maitre-mot : apparaitre en contrôle. Toutes ses sorties ont été balisées, ses réponses préparées pour ne rien infliger de mauvais à sa dynamique. Dans chacune de ses interventions, la candidate s’est montrée calme, mesurée, tout sourire. Un objectif en tête : montrer qu’elle n’est plus la candidate qui avait perdu ses nerfs lors de l’entre deux tours en 2017 et se trouve désormais sereine, confiante face au vote des français.

La candidate termine sa campagne dans le Sud de la France, à Perpignan et Narbonne, deux terres acquises au vote Rassemblement National ces dernières années. Elle a joué de la popularité de son parti en multipliant les bains de foule, selfies et démonstrations de force.

Face au risque Le Pen, Macron contraint de s’investir plus encore

Alors face à cette montée soudaine de Marine Le Pen, l’équipe d’Emmanuel Macron n’avait plus qu’un choix : intensifier sur la dernière ligne droite la campagne de leur candidat.

Toute la semaine d’ailleurs, les médias ont expliqué les bons chiffres de Marine Le Pen par la mauvaise campagne d’Emmanuel Macron. Le Président-candidat s’est vu reprocher toute la semaine de payer les conséquences de son trop faible investissement dans cette campagne. Sur RTL, il s’en est défendu.

Alors certes, pour le Président de la République, la tâche n’était pas aisée. Il a, avant tout été contraint par un agenda chargé, occupé par la pandémie d’abord, et le contexte international ensuite. Mais en restant en surplomb de cette campagne, le candidat a loupé le moment où la guerre en Ukraine ne faisait plus craindre que ses conséquences militaires, situation qui conférait jusqu’alors un avantage au Président sortant, mais davantage les conséquences économiques aux français, profitant à ses opposants qui ont su capitaliser sur ce thème. Certes, le Gouvernement a répondu aux augmentations des prix des produits en bloquant les prix et endiguant l’inflation de la meilleure façon en Europe, mais le candidat lui-même a trop peu incarné ces sujets-là. Comment ne pas avoir intensifié les prises de paroles sur le pouvoir d’achat, qui en quelques semaines, est devenu la première préoccupation des français ?

Alors l’équipe du candidat a coupé court à la parcimonie médiatique jusqu’alors en vigueur dans sa campagne. Cette semaine, Emmanuel Macron a mis les bouchées doubles pour faire la tournée des médias : matinales de France Inter et RTL, entretiens au Parisien et au Figaro, passage au 20h de TF1, entretien de plus de 2h sur Brut.

Un objectif pour le candidat dans ces passages médias : rappeler son bilan, formuler de nouvelles propositions, et taper sur Marine Le Pen pour décrédibiliser son argumentaire. Dans le Parisien, il déclarait que Marine Le Pen ment aux français sur le projet qu’elle entend porter.

Pour Emmanuel Macron, cette semaine avait donc un objectif : remobiliser son électorat face à l’incertitude du scrutin. Aller chercher les électeurs qui avaient prévu de le soutenir mais qui pour beaucoup ont pris trop vite ce vote pour acquis au point de s’en désintéresser. Un mot d’ordre donc : rien n’est joué et chaque vote compte.

Les candidats à la chasse aux abstentionnistes

Outre les dernières joutes électorales auxquelles se sont voué tous les candidats, la plupart d’entre eux sont partis à la chasse aux abstentionnistes. Car à seulement quelques jours du premier tour près d’un quart des français pensaient ne pas se déplacer dimanche.

Pour Marine Le Pen : une idée pour mobiliser ceux qui s’abstiennent : la perspective de faire mentir les sondages. Son idée : jouer sur le sentiment anti-système pour mobiliser les plus indécis à se déplacer et infliger une revanche à ceux qui qualifiaient cette campagne d’impossible pour le RN. A Perpignan, la candidate a formulé en d’autres termes cet appel.

Du côté d’Emmanuel Macron aussi, ses équipes sont allées chercher les abstentionnistes. Toute la semaine, ses soutiens répétaient partout l’importance de voter Macron dès le premier tour. En parallèle, la campagne du candidat lançait sur son site internet une initiative originale, inspirée du format de la série Black Mirror, qui permet, dans une expérience vidéo immersive, d’observer quelles pourraient être les conséquences de l’abstention de chacun. Une initiative pensée en particulier à destination des jeunes dont 46% des moins de 24 ans envisagent de s’abstenir. Cette forte abstention, qui favoriserait avant tout les extrêmes, très mobilisés sur ce scrutin, veut être empêchée par tous les candidats.

Cette semaine de campagne s’achève au terme d’un suivi de campagne long de six mois, sur Sphères depuis septembre, et au travers du podcast ces derniers mois. Cette campagne que l’on annonçait plate, jouée d’avance, a surpris ses nombreux rebondissements, ses principaux protagonistes : différents de ceux annoncés au départ, mais aussi par le contexte inédit dans lequel elle a pris part. Elle s’achève en cette veille de premier tour, dans un climat plus incertain que jamais. Alors ce dimanche déplaçons-nous dans les bureaux de vote et votons. Après avoir laissé la parole aux candidats, c’est à nous citoyens, qu’il revient enfin de nous exprimer.

Rendez-vous dimanche prochain, pour la couverture de la campagne du second tour.