Les candidats le savent, ils n’ont plus que quelques jours pour convaincre les français. Alors pour ce faire, tous, sans exception, font campagne à plein régime avec une idée en tête : ne rien lâcher dans la dernière ligne droite.

Emmanuel Macron descend enfin dans l’arène

Cette semaine marquait, mieux vaut tard que jamais, l’entrée en scène véritable du Président de la République dans la compétition électorale. Après les débuts d’une campagne timide, largement prise par le gestion de la guerre en Ukraine, le Président-candidat a décidé d’intensifier le rythme de celle-ci pour se montrer plus offensif encore.

Au programme de la semaine pour Emmanuel Macron : rassembler ces soutiens autour d’un grand meeting, ce samedi à La Défense et continuer à convaincre en parallèle les français de lui permettre de poursuivre son projet à l’occasion de plusieurs déplacements.

Organisé à Paris La Défense Arena, ce grand meeting, qui a rassemblé hier 30 000 personnes tombe à pic pour le candidat. A une semaine du premier tour, les équipes de sa campagne commencent à se faire des frayeurs. Toute la semaine, les sondages ont donné un Président sortant en baisse.

Donné jusqu’à 32% d’intentions de vote au premier tour dans les sondages il y a quelques semaines, le candidat tombait entre 26 et 28% dans la grande majorité d’entre eux ces derniers jours. Alors certes, le Président de la République reste en tête, mais l’écart avec la seconde candidate, Marine Le Pen, se resserre. En plateaux et dans les colonnes des journaux, cette baisse a fait parler d’elle. S’il y a quelques semaines, commentateurs et journalistes s’interrogeaient sur le fait qu’Emmanuel Macron puisse encore ne pas gagner cette élection, cette semaine ces mêmes personnalités se demandaient s’il ne pouvait pas finalement la perdre ?

Alors derrière ce coup de stress généralisé, plusieurs explications. Oui, le Président-candidat bénéficiait jusqu’alors d’une dynamique puissante, le portant loin devant ses adversaires. Mais c’était sans compter sur l’affaissement de plusieurs facteurs jouant en sa faveur. Le premier, c’est le coup de pouce de l’officialisation de sa candidature. Cet effet de nouveauté est désormais révolu, son personnage de candidat s’est installé, il ne peut plus jouer sur cette carte. Mais surtout, Emmanuel Macron est  monté dans les sondages par le choc de l’invasion russe en Ukraine. Or, après plus d’un mois de conflit, les français se sont tristement habitués à ces images, à cette guerre, au drame en cours en Ukraine.

La conséquence de cela c’est la remontée silencieuse de Marine Le Pen. Longtemps distancée, et de loin, par Emmanuel Macron, elle remonte progressivement dans les intentions de vote, atteignant jusqu’à 22% au premier tour en cette fin de semaine. Mais la vraie détonation de cette semaine, ce sont les chiffres du second tour. En cas d’affrontement Macron-Le Pen, la candidate du Rassemblement National pourrait désormais prétendre à un score 47%. Ce qui la place dans la zone critique de la marge d’erreur.

Ce que nous dit ce sondage c’est que désormais, la dynamique de Marine Le Pen est si bonne qu’elle est potentiellement en passe de remporter le second tour de l’élection présidentielle.

Face à cette menace pour leur candidat, les équipes d’Emmanuel Macron ont donc décidé de modifier leur stratégie. Exit donc le paquet sur la position en surplomb d’Emmanuel Macron, et retour vers le terrain, à portée de coups, pour relancer sa dynamique.

En conséquence, le candidat a multiplié cette semaine les déplacements. Lundi à Dijon où il a marché sur sa jambe gauche en déambulant dans les quartiers populaires de la ville et en faisant l’éloge des filières de l’apprentissage. Jeudi à Fourras, pour y parler environnement, technologie et développement économique. L’idée : montrer un Président sur le terrain, occupé mais pas moins proche des gens.

Et puis, pour terminer d’illustrer sa détermination à faire campagne, le candidat donnait ce samedi ce grand meeting à Paris, voulu comme la grande démonstration de force de sa campagne. Mais après une semaine délicate et des chiffres en baisse, un objectif : rappeler à ses partisans qu’à une semaine du premier tour, rien n’est encore joué.

Il faut dire qu’en restant à l’écart de la campagne si longtemps, Emmanuel Macron a longtemps donné l’impression que l’élection était jouée. Pour le Président de la République, un objectif clair dans ce meeting : prendre son risque : descendre dans l’arène et n’éviter aucun sujet. Et c’est ce qu’a fait le candidat.

Sur la forme d’abord, tout dans cet évènement ressemblait à une compétition de boxe. Tout était pensé pour montrer un candidat prêt à monter sur le ring. De son arrivée depuis les gradins de la salle, à la scène basse et plate, placée au milieu du public, aux écrans géants et la musique : tout l’environnement d’une compétition sportive était là comme pour mettre en scène un candidat prêt à combattre.

Sur le fond, Emmanuel Macron n’a pas non plus fait d’impasse, répondant coup pour coup aux attaques qui lui ont été faites. Sur le social d’abord, le Président a fait son bilan, et le candidat de nouvelles propositions, dont la solidarité à la source.

Et puis, sur les polémiques ensuite. Emmanuel Macron a une fois de plus mis les pieds dans le plat dans le sujet McKinsey. Il faut dire que le dossier a collé toute la semaine à la peau de l’exécutif. Alors, tentant de mettre un terme à l’enlisement de ce dossier, il a dénoncé une nouvelle fois l’instrumentalisation d’une pratique commise par les mêmes qui l’en accusent.

Et puis, se disant pris au piège d’accusations infondées et mensongères, Emmanuel Marcon s’est affairé, dans une longue tirade, à pointer du doigt la facilité de d’esprit, le mensonge et la bêtise qui caractérisent les déclarations des extrêmes dans le nouveau contexte médiatique qui est le nôtre.

Jean-Luc Mélenchon : 3e ou 2e homme ?

Car dans les derniers moments de cette campagne, les extrêmes progressent.

Jean-Luc Mélenchon bénéficie cette semaine une nouvelle fois d’une dynamique positive. Ces derniers temps, l’Insoumis rencontre un franc succès. Désormais donné à 15% d’intentions de vote dans les sondages, il tente en vain de se vendre comme le candidat du vote utile à gauche.

Aux yeux des électeurs socialistes, socio-démocrates, écologistes, Jean-Luc Mélenchon, semble à seulement quelques jours du premier tour, l’unique candidat crédible capable de porter une partie de leurs idées. Pour partie car la candidature insoumise ne contentera pas pleinement les socialistes, ni les écologistes, c’est certain. Mais alors que le PS est annoncé plus bas que Jean Lassalle et que les écologistes ne sont plus qu’un point devant les communistes, l’électorat de gauche se replie.

La question désormais : savoir si Jean-Luc Mélenchon sera ou non le 2e homme de cette élection présidentielle ? Le candidat le sait, il peut encore créer la surprise dans les jours qui viennent, en agrégeant la gauche autour de lui et en allant chercher les abstentionnistes.

Alors tout au long de la semaine, c’est un Jean-Luc Mélenchon tout en contrôle qui a fait campagne. Car l’Insoumis sait qu’il marche sur des oeufs. Sa personnalité, complexe et imprévisible peut lui jouer des tours.

En apparence anecdotique, son clip de campagne officiel dit beaucoup. Alors qu’il est coutume pour les candidats d’expliquer par eux-mêmes leur projet en quelques minutes pour la télévision, Jean-Luc Mélenchon a choisi de laisser parler ses soutiens, ses conseillers, présentant le programme à sa place. Comme pour ne rien risquer.

Invité de l’émission Elysée 2022 cette semaine, le candidat s’est justifié de son caractère autour des arguments de la normalité et la spontannéité de tout un chacun, se disant incapable de ne pas s’énerver face aux choses qui le révoltent.

Alors, Jean-Luc Mélenchon l’a compris, à quelques jours du premier tour, s’il veut poursuivre cette dynamique, il doit se tenir à carreaux. Pour l’heure, sa stratégie semble fonctionner. Son meeting de Toulouse ce dimanche et l’intensification de sa campagne dans les derniers jours devraient encore lui permettre de progresser vers la seconde place.

Marine Le Pen continue sa campagne de terrain

Mais alors qui de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon accèdera au second tour ?

La candidate réussit sa campagne ces dernières semaines. Après avoir enchainé les déplacements, elle continue sa campagne de terrain, proche des français. La candidate du Rassemblement National l’a compris, inutile d’aller chercher les grandes villes, qui ne votent de toute façon pas pour elle. Il faut viser local, les villes moyennes et la ruralité. C’est là, sur ces terres gangrénées par l’abstention, que Marine Le Pen possède son réservoir de voix. Pour continuer dans cette dynamique, la candidate tiendra son dernier meeting à Perpignan, grande conquête du Rassemblement National après la victoire de Louis Alliot en 2020.

La candidate espère, à cette occasion, encore convaincre. Car jusqu’à présent, sa campagne a été bonne. Marine Le Pen semble plus maitrisée, plus en contrôle, consciente des erreurs qui l’ont fait échouer en 2017. Et apparait ainsi désormais plus acceptable, et donc plus acceptée.

Cela, en particulier grâce à la candidature d’Eric Zemmour, qui, en emportant avec lui les plus extrêmes des extrêmes a dénué l’image de la candidate de cette agressivité qui lui collait à la peau.

Le polémiste a pourtant longtemps fait peur à Marine Le Pen et ses équipes. Mais plus maintenant. Acculé par ses déclarations passées vis à vis de la Russie, le candidat semble désormais écarté de toute possibilité d’accession au second tour. Son grand rassemblement du Trocadéro n’y a d’ailleurs rien changé, et aucun rebond n’a été observé dans sa campagne. Aujourd’hui donné à 11% d’intentions de vote dans les sondages, le candidat est à la traine.

En plus de cela, les mauvaises séquences s’enchainent. Interrogé cette semaine sur le sort des SDF, Eric Zemmour est apparu complètement perdu.

Mais alors si le candidat est désormais trop loin d’une victoire, que deviendront ces 11% d’intentions de vote au soir du premier tour ? Quelle sera la position de son équipe et de ses troupes dans une semaine ? Ce score moyen d’Eric Zemmour et la dynamique positive de Marine Le Pen annoncent-ils sans le dire une alliance des extrêmes ? Pour l’heure rien n’a encore fuité. Il faut dire qu’Eric Zemmour n’a pas manqué d’attaquer la candidate tout au long de cette campagne, allant jusqu’à la qualifier de candidate “de gauche”. Mais, dans une semaine pourtant, les deux rivaux pourraient s’associer.

La semaine qui arrive est donc la dernière semaine de campagne avant le premier tour. A compter de vendredi soir, les candidats et médias seront tenus de respecter  la période de réserve censée laisser les français faire leur choix sereinement. Il reste donc 5 jours de campagne, 5 jours pour convaincre, 5 jours pour vous décider, 5 jours pour décider ensemble, de l’avenir de notre pays.