Après 7 mois de campagne agitée depuis septembre, perturbée par de très nombreux facteurs, cette élection présidentielle s’achève avec le même duel qu’en 2017 : Marine Le Pen face à Emmanuel Macron. Une différence notable néanmoins, à l’approche du second tour, les pronostics n’avaient été aussi serrés, faisant planer le doute sur l’issue du scrutin toute cette dernière semaine de campagne.

Un débat de meilleure qualité entre les deux meilleurs ennemis

Véritable point d’orgue de cette semaine, le très attendu débat de l’entre deux tours avait lieu mercredi soir. Cinq ans après leur premier débat, resté dans les mémoires de tout un chacun tant il avait été chaotique, les deux meilleurs ennemis se retrouvaient cette semaine pour leur premier face à face depuis cinq ans.

Dans les jours qui précèdent le débat, l’équipe de campagne de Marine Le Pen insiste : la candidate du Rassemblement National assume de ralentir sa campagne pendant trois jours pour se préparer à cet affrontement. Marine Le Pen dit avoir trop souffert des procès en incompétence qui lui avaient été faits au lendemain du débat de 2017. Alors la candidate s’est entourée de quelques proches pour préparer ce nouveau duel. Le Président candidat a quant à lui continué à faire campagne dans le même temps, impossible de faire une pause alors qu’on lui a reproché sa paresse à faire campagne avant le premier tour.

Les deux candidats se sont donc retrouvés mercredi soir en plateau pour débattre. Marine Le Pen ne pouvait plus être la même : 5 ans après avoir raté de peu la dernière marche vers le pouvoir, elle se devait d’afficher une toute autre personnalité. Pour Emmanuel Macron, deux défis : casser l’étiquette de l’arrogance qui lui colle à la peau et finir de ramener la gauche dans son camp.

Pour Marine Le Pen : un angle d’attaque facile s’était dégagé : attaquer le Président sortant sur son bilan, ressortir les affaires des cinq dernières années et continuer à pilonner sur la polémique McKinsey. Marine Le Pen aurait ainsi été en attaque, et Emmanuel Macron sur la défensive, appuyant son image de challenger et affaiblissant un président sortant, usé par le pouvoir. Mais de façon surprenante, le débat a mis en scène une toute autre stratégie.

Loin d’être uniquement en défense, Emmanuel Macron a retourné tout le long du débat l’exercice du bilan. Dès lors que Marine Le Pen se montrait plutôt mesurée ou approuvait des mesures décidées par le Président de la République, notamment sur la gestion de la crise, et l’inflation actuelle, Emmanuel Macron la renvoyait à son mandat de député.

Marine Le Pen, d’abord apparue confiante, a eu du mal à cacher sa surprise face à ce changement de position. Comme si elle n’avait pas prévu le coup. C’est alors qu’Emmanuel Macron a continué à pilonner sur son adversaire. Notamment sur le sujet de la Russie. La cible était facile pour le Président-sortant, qui bénéficie en plus d’un crédit supplémentaire sur ce sujet de par son implication dans la résolution du conflit en Ukraine. Etonnement, alors que c’était l’une des principales faiblesses connues de Marine Le Pen pour ce débat, la candidate a semblé loin d’avoir anticipé une réponse.

Au cours du débat, plusieurs passes d’armes s’enchainent. Sur le pouvoir d’achat, Emmanuel Macron a raillé les propositions irréalistes de Marine Le Pen, quand elle a proposé d’aller plus loin que les dispositifs mis en place jusqu’alors par le Gouvernement.

Sur l’écologie, thème très attendu de cette soirée, Marine Le Pen n’a pas, là non-plus fait la différence, cherchant surtout à récupérer les partisans d’Eric Zemmour, animés par une profonde détestation des éoliennes.

Le débat s’est achevé tard dans la soirée, après plus de 2h30 d’échanges. Sur le fond, on retiendra un débat bien plus intéressant qu’en 2017. Les deux candidats étaient bien préparés et avaient tous deux en tête cette idée de donner une meilleure image de la politique. Cela s’est aussi traduit sur la forme. On relèvera un débat plus courtois, les deux candidats s’étant montrés soucieux de ne pas se couper l’un l’autre systématiquement. Des positions plus argumentées et une vraie confrontation de projet contre projet.

Une différence notable par rapport à 2017 : ce sont les choix de réalisation de ce débat. Les jours qui précédaient l’émission avaient laissé entendre que le format avait donné lieu à de nombreuses négociations entre les équipes de campagne. TF1 et France 2 étant soucieuses de ne pas remettre leurs journalistes en difficulté, la décision a été prise de ne pas leur demander de corriger les candidats dans leurs déclarations. Si fake news il y avait, alors c’était aux candidats de se corriger mutuellement.

C’est précisément ce choix qui a orienté les analyses qui ont suivi ce débat. Car c’est la compétence qui a fait le plus parler d’elle. Marine Le Pen a été accusée d’être trop imprécise dans ses chiffres, et lorsqu’Emmanuel Macron la corrige, le voilà à son tour accusé d’être trop professoral, voire arrogant.

Alors à la fin du débat, tout semblait pourtant s’être bien passé, les candidats saluant eux-même leur respect mutuel. Mais le lendemain, voyant que les procès en arrogance allaient bon train contre Emmanuel Macron, Marine Le Pen a sauté sur l’occasion.

Une toute dernière ligne droite relativement calme

Cette dernière semaine de campagne fut finalement relativement calme.

Marine le Pen a pris du temps pour se préparer à ce débat.

Emmanuel Macron lui a fait la tournée des médias pour faire passer le message de son virage vert : C à Vous, France Inter à nouveau, France Culture, même le 20h d’Anne Sophie Lapix, Quotidien, Konbini, bref, cette semaine encore, le Président-candidat était dans tous les studios... presque plus qu’en cinq ans.

Côté meetings, Marine Le Pen terminait sa campagne à Arras, dans le Pas-de-Calais. Un dernier déplacement sur ses terres qui fut l’occasion d’essayer une dernière fois tous les opposants au Président sortant, en particulier à gauche.

Alors Emmanuel Macron lui aussi sait que l’abstention peut lui couter cher. La gauche, et en particulier les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, ses soutiens les moins motivés, rassurés par sa performance lors du débat, pourraient être nombreux à ne pas se déplacer ce dimanche, considérant l’élection comme acquise. Alors pour remettre une nouvelle fois un petit coup de pression, Emmanuel Macron a alerté les français sur la gueule de bois qui les menaçait.

Enfin, en plein 2e tour, les perdants du 1er pensent déjà au 3e

Ils sont quelques uns à vouloir prendre une revanche. Déçus de leurs scores au premier tour, plusieurs candidats à la Présidentielle ont décidé de sortir de leur réserve d’entre deux tours pour préparer l’après présidentielle.

Jean-Luc Mélenchon était le premier à tirer en ce sens. Profondément déçu d’avoir manqué la deuxième place à seulement quelques centaines de milliers de voix, l’Insoumis donnait rendez-vous à BFMTV pour une déclaration surprenante.

Après avoir fait campagne pour devenir Président de la République, l’insoumis veut devenir Premier Ministre. Les bons scores de la France Insoumise aux législatives font croire à Jean-Luc Mélenchon qu’obtenir une majorité insoumise est possible. Il est vrai que l’Insoumis est arrivé en tête dans de nombreuses villes. Mais la particularité du scrutin des législatives, et le découpage des circonscriptions ne permettent pas de dupliquer les scores de la présidentielle sur ce nouveau scrutin. L’Insoumis le sait, c’est pourquoi il cherche à ratisser large et à passer des alliances avec les différentes forces de gauche, maintenant qu’il est acquis qu’il a repris le leadership sur ce pan du spectre politique. La France Insoumise espère parvenir à celer une alliance avec les verts, les communistes et le Parti Socialiste pour constituer un large groupe de gauche dans la future Assemblée.

Alors, la proposition de l’insoumis est intéressante, mais semble un poil démesurée. De plus, Jean-Luc Mélenchon commet aussi une bourde en demandant aux français de l’élire Premier Ministre ... une expression dénuée de sens lorsque l’on sait que le Premier Ministre est nommé par le Président de la République en fonction de la majorité obtenue à l’Assemblée. Alors certes, rien de dramatique, et on décode bien évidemment l’intention de Jean-Luc Mélenchon derrière cette formule, mais traiter nos institutions politiques avec la clarté et la précision qu’elles exigent, aiderait déjà un peu plus les français à comprendre le sens de nos élections.

Eric Zemmour a eu la même idée. Il devrait prendre la parole dimanche soir pour lancer un mouvement à l’occasion des législatives. Lui-même devrait annoncer sa candidature de député et très probablement un ralliement des droites.

Cette semaine de campagne s’achève à l’aube d’un second tour plus serré que jamais. Ce dimanche 24 Avril, les Français l’ont compris, deux visions de la France s’opposent. A eux, à nous de choisir quel avenir nous voulons pour notre pays. Quel signal la France enverra-t-elle à l’Europe, et au monde ? Réponse ce dimanche soir.