Alors, cette semaine et ce weekend en particulier ont marqué l’entrée dans le dur de la campagne. Nombreux sont les français à tout juste commencer à s’intéresser à ce scrutin. Les candidats le savent, et multiplient en conséquence leurs apparitions, en ayant conscience que tout peut encore basculer.

L’heure des démonstrations de force

Cette semaine était celle des démonstrations de force. La majorité des candidats est partie très tôt en campagne. Alors depuis les dynamiques ont tourné, changé, ont même laissé de côté certains prétendants au siège présidentiel. Un enjeu commun cette semaine donc : se présenter en position de force et relancer une dernière fois une dynamique autour de sa candidature avant le premier tour. Tous les candidats se sont ainsi voués à de pareilles démonstrations.

Marine Le Pen d’abord, a fait un choix audacieux en choisissant la Guadeloupe pour un déplacement d’un peu plus de 24h ce weekend. La candidate est l’une des rares en cette fin de campagne à aller chercher l’électorat d’Outre-Mer, après que Jean-Luc Mélenchon s’y soit rendu il y a un peu plus d’un mois.

Marine Le Pen le savait, ce déplacement était avant tout symbolique. Outre le fait d’illustrer sa volonté d’incarner la candidate de cette France périphérique, délaissée par les candidats mainstream, elle était aussi venue rappeler une nouvelle fois sa démarche de dédiabolisation. Car Marine Le Pen sur l’île de la Guadeloupe c’est une grande première. Son père Jean-Marie Le Pen avait tenté de s’y rendre par le passé, mais avait été chassé par de très nombreux manifestants, l’obligeant même à prendre un avion retour sans même débarquer de son vol aller.

Alors sur place, tout avait été mis en scène pour souligner ce contraste. A la différence de son père, Marine Le Pen était attendue, puis accueillie très chaleureusement, enchaînant bains de foules, étapes à selfie et chants de célébration. L’objectif de Marine Le Pen : montrer qu’elle n’est plus cette candidate que l’on pouvait qualifier de raciste. Montrer une dernière fois qu’elle a appris de ses erreurs et s’est détachée de la figure de son père : un homme du passé, raciste, antisémite et xénophobe.

Interrogée par le journal Le Parisien sur les effets de l’irruption d’Eric Zemmour dans cette élection, Marine le Pen soulignait justement la ligne qu’elle était venue mettre en scène ce weekend à la Guadeloupe.

« l’émergence d’Eric Zemmour et certains aspects rétrogrades de ses propositions ont permis aux gens de prendre conscience que le Rassemblement national n’était pas cette caricature-là. » « Donc oui, Eric Zemmour a permis une nouvelle qualité d’écoute sur ce que nous proposons. » - Marine Le Pen, dans le Parisien.

Une candidate qui aimerait bien qu’on l’écoute davantage, c’est Anne Hidalgo. La Maire de Paris et candidate du Parti Socialiste était ce weekend à Toulouse venue chercher le dynamisme dont manque depuis le début sa campagne. C’est en Occtianie, région dans laquelle Anne Hidalgo a reçu le plus de soutiens, que la candidate espérait se redonner un peu de baume au coeur, alors que sa candidature peine désormais à dépasser les 2% d’intentions de vote. Mais à Toulouse, alors que la défaite est maintenant certaine pour le parti socialiste, ses soutiens de poids étaient peu nombreux. Certes, et c’est bien normal, Carole Delga, la présidente de la région Occitanie était là, mais les éléphants du PS avaient décidément tous autre chose de mieux à faire. Seuls l’ancien Premier Ministre Bernard Cazeneuve et Patrick Kanner avaient fait le déplacement.

Pour Anne Hidalgo, ce meeting ressemblait à l’ultime cri d’une campagne à l’agonie. La candidate, incapable de capitaliser sur son programme, de faire entendre ses propositions, s’est attardée dans une longue tirade, à rappeler son appartenance à une gauche crédible. Un objectif : montrer aux électeurs que la crédibilité à gauche est dans son camp, celui de la fameuse gauche de gouvernement et non à la France Insoumise ou Parti Communiste.

A gauche, à Toulouse toujours, aujourd’hui dimanche, c’est Fabien Roussel qui réunissait ses soutiens.

Ce dimanche était d’ailleurs l’un des plus agités de cette campagne électorale, et c’est bien normal à seulement deux semaines du premier tour.

Après un rendez-vous réussi dimanche dernier à Paris, Jean-Luc Mélenchon était ce dimanche à Marseille, sur sa circonscription de député, pour y tenir un grand meeting en province.

A droite, ce dimanche était également attendu depuis plusieurs semaines par Eric Zemmour notamment. Le candidat tenait cet après-midi, au Trocadéro, un meeting d’ampleur, censé relancer une dynamique autour d’une candidature qui s’est progressivement passée de mode.

Eric Zemmour le sait, ce meeting est un peu celui de la dernière chance. Dernier espoir de retourner la situation en sa faveur. Alors pour l’occasion, tous ses soutiens avaient fait le déplacement. De Marion Maréchal à Philippe de Villiers, en passant par Jean Messiah et Gilbert Collard, tous étaient au Trocadéro, comme pour faire l’ultime démonstration d’un clan extrême uni, et draguer une dernière fois la droite classique.

Car si la date n’a pas de symbolique particulière, le lieu si. Le Trocadéro est, depuis Nicolas Sarkozy en 2012, et François Fillon en 2017, le lieu de rassemblement de la droite à la veille du premier tour. Il est cette dernière impulsion qui a permis à la droite de relancer sa dynamique, redonner de l’espoir à ses troupes et impressionner les chaines de télé. Eric Zemmour le sait. Et c’est après cet effet qu’il courrait depuis des semaines.

Pour le polémiste, s’accaparer le Trocadéro ce weekend tombe à pic. Il est ce weekend le seul candidat de droite de cette élection à tenir un grand meeting. Valérie Pécresse, étant confinée chez elle depuis jeudi pour cause d’infection au covid, a dû annuler son meeting prévu ce weekend à Bordeaux. Pour la candidate, cette infection tombe vraiment mal. En chute libre depuis plusieurs semaines dans les sondages, elle est empêchée de faire campagne dans les derniers jours de cette dernière, au moment où elle en a le plus besoin. La candidate a annoncé organiser un grand rendez-vous interactif sur Zoom ce weekend afin de continuer à échanger avec les français.

Un autre candidat s’est aussi fait discret ce weekend, c’est Emmanuel Macron. Les équipes du Président de la République avaient choisi de ne pas tenir de meeting avec leur candidat ce weekend. Trop encombré. Le staff de sa campagne réserve toute son énergie pour l’unique meeting auquel participera le candidat, prévu samedi prochain à Paris La Défense Arena. Seul et unique meeting de campagne en présence d’Emmanuel Macron, l’équipe En Marche joue gros. Près de 30 000 places sont prévues pour l’évènement. En même temps, pour le Président-candidat, plus le choix : à une semaine du premier tour, la semaine prochaine, il faudra montrer qu’il est décidément le candidat de l’union et rassemble derrière lui de très nombreux français.

Car pour l’instant, même si le candidat s’est prêté à deux réunions publiques en format réduit, il n’a pariticipé à aucun meeting, et le dynamisme de sa campagne commence à en patir. Les réunions publiques organisées par ses soutiens partout en France sont une bonne chose, mais elles ne peuvent donner ce qu’attendent les français et les militants : le candidat. En conséquence, depuis quelques jours, les sondages en faveur de sa candidature ont observé une nouvelle diminution pour atteindre désormais les 28% d’intentions de vote au premier tour. Rien de dramatique pour le candidat Macron, mais ce meeting de la semaine prochaine devrait permettre de re-dynamiser ses troupes.

Le retour du duel des deux meilleurs ennemis

Car si l’équipe du candidat Macron craint quelque chose : c’est avant tout la démobilisation des français. Cette semaine a émergé un constat dans le débat public : celui d’une élection jouée d’avance, réélisant sans trop d’incertitudes le Président de la République. Alors, dans le camp Macron, cette perspective fait peur : et si son électorat se démobilisait à la dernière minute ? Pour le candidat, cette situation le mettrait en danger dans sa trajectoire vers le second tour.

Alors pour remédier à cette perspective, toute la semaine, les soutiens du Président de la République et ses ministres ont répété une seule et même chose : cette élection n’est pas jouée, rien n’est gagné d’avance et il faut se montrer prudent dans les jours qui viennent, rester mobilisés pour convaincre autour du projet du Président de la République.

Pour appuyer cette idée selon laquelle la mobilisation autour du candidat doit se faire jusqu’au bout, l’équipe En Marche a ressorti une vieille combine : la menace Marine Le Pen.

Dans cet extrait, Gérald Darmanin résume bien la stratégie employée cette semaine par le camp Macron. Ré-installer le duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron serait en réalité le meilleur moyen de donner un coup de pouce à la candidature du Président de la République. En la présence d’une menace crédible, en l’occurence Marine Le Pen, l’électorat a davantage tendance à faire bloc et à se retrouver autour d’Emmanuel Macron. Exit les candidatures un temps menaçantes d’Eric Zemmour et Valérie Pécresse : les meilleurs ennemis de 2017 se retrouvent. La semaine prochaine, ils débattront même en tête à tête dans l’émission Elysée 2022.

Une couverture de la campagne qui explose

D’ailleurs, cette semaine, outre la campagne électorale en elle-même, c’est la couverture médiatique de cette dernière qui est rentrée dans le dur.

Au programme de la semaine, les interviews politiques se sont multipliées. Marine Le Pen était dans le Parisien, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron dans le 19h45 de M6, Yannick Jadot chez Laurent Delahousse, et ce dimanche, Jordan Bardella et Gabriel Attal débattaient après le 20h de TF1.

L’émission Elysée 2022 de France 2 a aussi bousculé son organisation habituelle et accueille désormais plusieurs candidats dans la même soirée. Après Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, Fabien Roussel, Valérie Pécresse et Jean Lassale, cette semaine, l’émission recevra Emmanuel Macron, Philippe Poutou et Marine Le Pen.

Plus tôt dans la semaine, France Télévisions organisait une émission spéciale consacrée aux programmes des candidats pour les Outre-Mer, et France Bleu conviait les candidats à venir échanger depuis Paris avec leurs auditeurs en région.

Autre évènement politico-médiatique cette semaine, on retiendra la grande soirée Valeurs Actuelles. Présentée par le magazine conservateur comme une soirée de débat, elle comptait parmi ses invités plusieurs personnalités politiques. Marlène Schiappa y a fait une appirition pour le compte de la majorité, et Valérie Pécresse y a tenu un discours, pour lequel elle a été drôlement accueillie par la salle.

Huée par la salle lors de ses prises de paroles, la candidate a rapidement compris, sans surprise à qui était acquis le public. Dès l’arrivée d’Eric Zemmour, le public s’enflamme. La salle est là pour le polémiste.

La semaine prochaine sera décisive. Pour la plupart des français cette semaine sera l’une dernières occasions de se faire une opinion sur les candidats en lice. D’ici le weekend prochain, les grands rendez-vous vont se multiplier.