Les candidats s’affrontent à la télévision sans pour autant se faire face

C’était le grand rendez vous de ce début de semaine. TF1 organisait lundi soir la première grande soirée électorale de cette campagne avec son émission La France face à la guerre. Animée par Anne-Claire Coudray et Gilles Bouleau, les deux têtes d’affiche de l’information de TF1, l’émission présentait un format totalement nouveau. Une émission conçue en trois séquences : une brève introduction, un entretien d’une dizaine de minutes et d’une conclusion droit de réponse, et ce pour chaque candidat invité ce soir là.

L’originalité de ce format réside dans le fait que les candidats n’ont pas débattu, ni se sont vraiment affrontés, mais ont développé tour à tour leur programme et répondu aux questions des journalistes. Rien de surprenant sur l’absence de débat puisque l’équipe d’Emmanuel Macron avait indiqué que le candidat ne débattrait pas avec ses concurrents avant le premier tour. TF1 a donc dû trouver un format alternatif.

L’émission est à l'arrivée plutôt originale et relativement dynamique, offrant une vraie comparaison entre les différents points de vue des candidats en lice, à qui étaient posés tour à tour des questions autour des mêmes sujets. On regrettera cependant que TF1 choisisse d’appeler l’émission la France face à la guerre, relevant là plus du sensationnalisme à l’américaine que du crédit dont manque cruellement cette campagne électorale.

Autre raté de cette grande soirée électorale, l’absence de certains candidats sur le plateau de l’émission. Seuls huit d’entre eux avaient été invités par le chaine à venir s’exprimer lundi soir : Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Jean-Luc Mélenchon, Eric Zemmour, Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Fabien Roussel.

Quatre candidats manquaient donc à l’appel : Jean Lassalle, Philippe Poutou, Nicolas Dupont-Aignan et Nathalie Arthaud. Même procès qu’en 2017 : pourquoi la première chaine de France n’a pas convié tous les candidats ? Ces derniers ont, comme les autres, récolté 500 parrainages. Ils devraient donc avoir le droit, comme les autres, de s’exprimer devant des millions de français réunis devant leur téléviseur.

En 2017, les chaines s’étaient justifiées de l’absence des candidats par les faibles intentions de vote dans les sondages dont bénéficiaient les absents. Mais cet argument, déjà tangible, ne fonctionne plus cette année. Jean Lassalle, pourtant absent de ce débat, est donné à 2.5% d’intentions de vote dans le dernier rolling de l’IFOP, tandis qu’Anne Hidalgo plafonne à 2%. La candidate du PS était pourtant invitée. Dans la semaine, Jean Lassalle s’est exprimé à ce sujet, indiquant à juste titre, envisager de se retirer de la course à l’élection présidentielle. Le candidat a raison de le soulever, à quoi bon continuer si les candidats n’ont pas les mêmes opportunités de campagne, malgré les sondages ? Devant les élus locaux, il exprimait sa pensée.

Lundi soir, d’ailleurs, tout au long du débat, les candidats n’avaient pas eu droit au même temps de parole. Alors que les jours nous séparant du premier tour de l’élection présidentielle se font de moins en moins nombreux, l’ARCOM (ex-CSA) tient à faire respecter l’équité entre les candidats. Dans ces conditions, l’équité prend ainsi en compte les intentions de vote, le nombre d’élus du parti en question et sa médiatisation globale pour calculer le temps alloué à chaque candidat à la télévision.

Pour l’équipe Macron, une campagne en tête mais prudente

Comme une course courue avec grande prudence dans l’équipe du candidat Macron. Bien que le Président sortant soit donné en tête des intentions de vote dans tous les sondages parus ces derniers jours, et même bien devant ses concurrents, ses équipes semblent avant tout jouer sur la prudence avec cette campagne. La place de premier est la plus difficile à conserver, et l’équipe Macron le sait. D’où la prudence de mise depuis l’officialisation de la candidature du Président-candidat.

Cette semaine, l’équipe du Président de la République avait deux objectifs. D’abord, mettre fin aux accusations de contrôle excessif sur le contenu de la campagne et calmer le procès fait au candidat Macron de ne pas vouloir débattre et de profiter un peu trop de sa position présidentielle.

Pour montrer qu’il est toujours ouvert au débat et prêt à la confrontation avec les français après cinq ans passés au Palais de l’Elysée, le candidat Macron renouvelait cette semaine le format de rencontre avec les français façon Grand Débat. La première édition de ce format, organisée à Poissy avec Karl Olive, s’était bien passée, mais avait pati de son organisation. Modérée par le maire de la ville, proche d’Emmanuel Macron, connaissant en amont les questions, il fallait concevoir une séquence moins préparée. A Pau, ville d’un éminent soutien, François Bayrou, Emmanuel Macron s’est du coup prêté à un débat un peu différent, organisé par les rédactions de trois journaux locaux, chargés de sélectionner les intervenants et de modérer le débat.

Donner une image d’une campagne moins contrôlée et moins fermée. Difficile alors que la maitrise est le mot d’ordre de cette campagne présidentielle, préparée depuis des mois dans le secret. Pour casser ces accusations, jeudi, le Président-candidat donnait une conférence de presse de présentation de son programme à Aubervilliers, aux Docks de Paris. Après 1h30 de présentation de ses objectifs pour le second mandat qu’il sollicite auprès des français, Emmanuel Macron a répondu aux questions des journalistes pendant plus de 2h30. Des échanges spontanés, sans filtre, voulus sans détour. Objectif pour le candidat : faire taire sur les plateaux et dans les journaux cette idée selon laquelle il refuse la confrontation.

Il faut dire que depuis le lancement de sa campagne, tout est maitrisé, encadré, géré par l’équipe de campagne et les proches du Président, laissant peu de place à l’improvisation. Vendredi soir, comme toutes les semaines depuis le début de sa campagne officielle, la chaine Youtube de la campagne #AvecVous sortait un épisode de sa mini-série Le candidat. On en parlait déjà dans une précédente semaine de campagne, mais ce format est une vraie nouveauté dans la communication électorale. Il s’inspire très largement du documentaire sorti au lendemain de son élection en 2017, Emmanuel Macron : les coulisses d’une victoire, réalisé par Yann L’hénoret. Comme en 2017, on y montre les coulisses de cette campagne qui produit finalement peu d’images, assiste à la préparation des évènements, ... Ces contenus donnent le sentiment de suivre le candidat tout au long de cette campagne. Toujours pour répondre à ce procès de manque de spontanéité, dans l’épisode du Candidat de la semaine, en rentrant de sa conférence de presse de présentation de programme, Emmanuel Macron décide spontanément de descendre de sa voiture, alors coincée dans les embouteillages sur le pont Alexandre III, à Paris. S’en suit une séquence de 3 minutes de balade sur les quais de Seine et de rencontres impromptues avec des français lambda bien surpris de trouver le Président de la République se baladant sur les quais de Seine.

Des dynamiques qui se confirment

On en parlait déjà la semaine dernière, mais alors que le scrutin présidentiel se rapproche de plus en plus, les dynamiques observées ces derniers jours se précisent.

Comme attendu, l’effet de son annonce d’entrée en campagne passé et surtout la surprise de la Guerre en Ukraine presque acceptée, les intentions de vote en faveur d’Emmanuel Macron ont très légèrement diminué. Cette semaine, dans la plupart des sondages, le Président de la République perdait environ un point. Rien d’affolant pour le Président de la République, mais il se rapproche probablement du score plus réaliste qu’il devrait faire au soir du premier tour.

Jean-Luc Mélenchon, comme prévu, comme annoncé par le candidat lui-même, commence à remonter dans les sondages. On en parlait déjà la semaine dernière, mais son électorat se prête parfaitement à ce genre de mobilisation de dernière minute. C’est d’ailleurs pour cela que l’Insoumis souhaitait marquer le coup, ce weekend avec sa grande marche pour la VIe République, organisée dimanche après-midi Place de la République à Paris. L’idée de Jean-Luc Mélenchon : faire parler de lui dans les médias et sur les réseaux sociaux autour de cet évènement et se placer comme le candidat capable non pas de rassembler la gauche, mais le peuple de gauche. Cette idée semble en tous cas bien partie. Les responsables de la France Insoumise annonçaient compter plus de 100 000 personnes Place de la République dimanche. Le candidat était crédité de 13.5% d’intentions de vote dans le dernier rolling de la semaine. La semaine prochaine, il devrait monter davantage encore. Son électorat, majoritairement jeune, indécis, ou s’intéressant tardivement au scrutin, devrait se manifester dans les deux dernières semaines de la campagne.

De son côté, Eric Zemmour continue sa stagnation. Rappelons-le, le polémiste avait été donné à presque 18% d’intentions de vote au premier tour en décembre dernier. Le candidat est aujourd’hui loin de ces chiffres, et semble ramer dans les sondages. Donné à 13% en fin de semaine, il pâtit ces derniers temps de ses prises de paroles passées vis à vis de la Russie. Cette semaine, la soirée électorale de TF1 n’a pas non plus été une réussite pour le candidat, qui est apparu mal-préparé et hésitant.

Maintenant, parmi ces prétendants, une question se pose : qui pour briguer la seconde place ? La première semble pour l’instant indéniablement détenue par le Président de la République, mais qui remportera la seconde ? Depuis 2017, elle est promise à Marine Le Pen. Mais la candidate du RN s’est vue déstabilisée par le candidat Eric Zemmour. Eric Zemmour peut encore remonter, et va sûrement le faire, mais grâce à quoi ? Enfin, c’est une hypothèse qui semblait inenvisageable mais semble progressivement gagner en crédit : et si Jean-Luc Mélenchon était qualifié pour le second tour ? Affaire à suivre.

La semaine prochaine devrait nous donner une meilleure idée de ces dynamiques et préciser peut-être quelles seront les deux options des français, pour le second tour, de cette élection présidentielle.